Dans le cadre des travaux de l’Association Tazammourt et suite au colloque international « L’olivier dans la pensée et la culture » qui s’est tenu en novembre 2018 à Djerba auquel ont participé 44 conférenciers de 14 nationalités, vient, enfin, d’être publié un ouvrage qui a réuni une sélection de textes en trois langues : arabe, français et anglais.
Ce livre de 296 pages est le fruit des efforts d’une équipe pluridisciplinaire qui a travaillé pour enrichir la bibliothèque historique et culturelle avec ce travail de recherche autour de la présence de l’olivier dans la mémoire collective et la confirmation de sa dimension symbolique dans la culture du Tunisien et de l’homme méditerranéen en général. La profonde communion entre l’arbre sacré, qui existe bel et bien depuis des millénaires dans le pourtour du bassin méditerranéen, ses valeurs, ainsi que les représentations culturelles, esthétiques, patrimoniales, sociales et économiques et les habitants sont au cœur de ce travail. Entretien avec Imed Ben Salah, universitaire et président de l’association Tazammourt.
Comment a commencé votre intérêt, passion même pour l’olivier ?
C’est une passion ancienne qui remonte à l’enfance, car je suis natif de l’île de Djerba où j’ai passé toute mon enfance et une grande partie de ma jeunesse. À Djerba, l’olivier est l’arbre roi par excellence, car il participe largement à la mise en place du paysage naturel et culturel de l’île. D’autant plus pour nous les Djerbiens, l’olivier n’est pas un arbre ordinaire. C’est plutôt un arbre béni et chargé de symboles qui plonge ses racines profondément dans notre sol ainsi que dans notre mémoire. C’est pourquoi notre île est considérée comme l’un des plus anciens berceaux des oliviers séculaires dans le monde méditerranéen. C’est à la fois une fierté et une lourde responsabilité.
Que représente l’olivier dans la mémoire collective ?
L’olivier est l’arbre sacré dans toutes les religions, il est béni chez tous les peuples, ce qui explique sa forte présence dans le patrimoine matériel et immatériel de l’humanité. Je dirais même que ce bel arbre est porteur de mémoire, car il est chargé de symboles tantôt régionaux, tantôt nationaux ou même universels. L’olivier pour moi est un arbre mystérieux qui symbolise la vie, car c’est un arbre qui conserve ses petites feuilles pointues et sa verdure durant toutes les saisons. D’ailleurs, c’est à l’olivier que nous devons la verdure de notre chère Tunisie. Il symbolise également la fécondité et la beauté de la femme. D’ailleurs, tous les deux sont donneurs de vie.
Quelle stratégie votre association a-t-elle mise en place pour la préservation et la communication autour de cet élément de mémoire et d’avenir ?
Fidèle à ses traditions, l’association Tazammourt, depuis sa création en 2014, a retracé un ensemble d’objectifs à atteindre : des objectifs à court terme qui tournent autour de la production. Nous avons réalisé cet objectif en produisant une série de spectacles culturels variés largement présentés dans les maisons de la culture dans les quatre coins du pays. Des objectifs à moyen terme qui tournent autour de la publication et la documentation. La publication de cet ouvrage collectif s’inscrit dans ce cadre. Prochainement, nous préparons le tournage d’un documentaire qui retrace la valeur symbolique de l’olivier dans la culture en Tunisie. Des objectifs à long terme : qui tournent autour de la fondation d’un musée pour l’olivier. C’est d’ailleurs le sujet de mon texte dans ce livre.
Plusieurs festivals et rencontres s’organisent autour de la culture et de l’olivier, comptez-vous vous ouvrir plus sur des actions grand public ?
Oui, effectivement, nombreux sont les festivals et les évènements organisés autour de l’olivier, et c’est très bien … L’olivier mérite encore plus. Toutefois, ces évènements sont mal répartis dans le pays, car on a deux festivals au Nord (Teboursouk et Tebourba), un festival international au Sahel (Kalaâ Kbira), un festival à Sfax. Alors que le Sud et les régions ouest du pays manquent de ces évènements.
C’est pourquoi nous avons nos projets à Djerba. D’une part, pour créer cet équilibre culturel et scientifique. D’autre part, Djerba représente l’un des berceaux des oliviers séculaires dans tout le bassin méditerranéen. D’ailleurs, entre 2/3 et 3/4 de l’âge de son oliveraie composée de 864 000 arbres dépassent plusieurs siècles. Personnellement, j’ai repéré dans ma thèse une douzaine d’oliviers séculaires ayant de belles légendes et objets de mythes pratiqués jusqu’à nos jours. Bref, ce patrimoine est d’une valeur inestimable et mérite d’être conservé et valorisé en le protégeant contre tout type d’agression et en l’intégrant dans le tourisme culturel.
C’est un défi lancé par notre association, nous avons les bras ouverts à toutes les personnes physiques ou morales pour réaliser ce noble objectif.